• QU'EST-CE QUE C'EST QU'UN ÉPILLET ?

     

    Les épillets sont des épis de graminées sauvages (le plus souvent Hordeum murinum, ou orge des rats). Ils sont également connus sous toutes sortes d'appellations plus ou moins locales : espigons, crébassats, espangassats, voyageurs, spigaous... Du printemps jusqu'à la fin de l'été, nous en rencontrons partout !

    Leur (triste) renommée est due à leur capacité à s'accrocher à toute surface filamenteuse (vêtement, mais aussi pelage d'animal), puis à progresser, toujours dans le même sens. Leur extrémité pointue leur permet en outre de perforer les tissus, y compris la peau. 

     

     

    QU'EST-CE QUE CA FAIT CHEZ LE CHIEN ?

    Avec le chien, ça fait comme avec un pull : l'épillet s'accroche dans les poils, et commence à avancer. Quand sa pointe arrive au niveau de la  peau, il la perfore, et continue à cheminer à l'intérieur, toujours dans le même sens, toujours plus profond. Il peut aussi profiter d'un orifice naturel pour s'introduire : oreille, fourreau, anus… Si le chien farfouille au milieu d'un champ d'herbes hautes et renifle un bon coup, l'épillet rentrera directement dans le nez, sans avoir besoin de passer par l'étape de l'accrochage dans les poils. Les épillets bien secs de juin-juillet, sont plus dangereux que les épillets verts du début du printemps.

     

    1 - Dans les oreilles :

    C'est de loin la localisation la plus fréquente ! lorsqu'un chien se met brusquement à se secouer les oreilles au printemps ou en été, penche la tête, refuse qu'on le touche… il y a probablement un épillet là-dessous ! A fortiori si l'oreille coule, suppure, ou
    sent mauvais. L'épillet s'accroche aux poils autour de l'entrée de l'oreille (les races à poils longs et à oreilles tombantes, (cockers, épagneuls…), sont donc les plus touchées), descend directement au fond du conduit, où il peut arriver qu'il perfore le tympan. S'il passe de l'autre côté et se retrouve dans l'oreille moyenne… ça devient très embêtant, mais heureusement, ce genre de complication n'est pas très fréquent. 

    Plus rarement, il arrive que l'on découvre par hasard, au cœur de l'hiver, à l'occasion d'un examen de routine, un vieil épillet enrobé de cérumen, dans l'oreille d'un chien qui ne s'en était jamais plaint. Cet épillet a dû rentrer en juin-juillet, se loger dans un coin du conduit où il ne gênait pas trop, et s'y tenir bien tranquille… mais un mouvement du corps étranger peut à tout moment provoquer une lésion du conduit ou une perforation du tympan, et déclencher une otite suppurée.

     

    2 - Dans le nez :

    Il s'agit probablement de la deuxième localisation, par ordre de fréquence. Le chien renifle activement au milieu des hautes herbes, à la recherche d'une odeur de lapin, et revient tout à coup en retroussant une de ses narines et en éternuant violemment, au point de se taper le nez contre le sol et de se faire saigner. L'extrémité de l'épillet dépasse parfois encore de la narine, mais il est rare que l'on arrive à s'en saisir vu l'état d'agitation du chien, et encore plus rare que l'on arrive à l'extraire, à cause de la difficulté à faire reculer un épillet : on se retrouve généralement avec une petite barbule cassée entre les doigts, tandis que le reste de l'herbe poursuit son avancée à l'intérieur du nez.

    Dans le meilleur des cas, à force de reniflements, l'épillet peut remonter jusqu'au fond du nez, tomber dans la gorge, et être avalé et éliminé avec les aliments. S'il tombe du mauvais côté et part en direction des poumons… c'est beaucoup plus embêtant ! (voir plus loin). Plus souvent, il se coince quelque part à l'intérieur du nez et n'en bouge plus, provoquant une rhinite avec jetage, éternuements et reniflements. Notons qu'un épillet est rarement rejeté lorsque le chien éternue, à cause de sa structure qui le conduit à avancer toujours dans le même sens.

     

    3 - Dans l'œil :

    Si votre toutou revient du champ d'à côté avec un œil à moitié fermé, ne pensez pas qu'il doit faire une allergie, qu'on va lui mettre le fond de collyre qui traîne dans l'armoire à pharmacie, et qu'on l'amènera chez le vétérinaire si ça ne passe pas au bout de deux ou trois jours : il est très probable qu'il se soit mis un épillet dans l'œil, en particulier sous le corps clignotant, encore appelé "troisième paupière". Il est important de retirer cet épillet aussi tôt que possible (une sédation sera souvent nécessaire), faute de quoi les frottements de l'herbe sur la cornée auront tôt fait de provoquer un ulcère, parfois difficile à guérir, et pouvant conduire, dans les cas les plus graves, à la perforation de la cornée et à la perte de l'œil. Plus rarement, un épillet peut pénétrer dans le canal lacrymal, entraînant une suppuration chronique des voies lacrymales. Notons que le chat attrape beaucoup moins d'épillets que le chien, mais que lorsqu'on en trouve dans cette espèce, c'est généralement dans l'œil !

     

    5 - Dans les voies génitales :

    Que ce soit chez le mâle ou chez la femelle, les voies génitales constituent une porte d'entrée très intéressante pour un petit épillet. Chez la chienne, l'épillet rentre par la vulve. Deux directions s'offrent alors à lui : il peut remonter le long du vagin (provoquant des pertes vulvaires), puis le long d'une corne utérine, qu'il finira éventuellement par perforer pour se retrouver dans la cavité abdominale, provoquant alors une péritonite. Il peut aussi se diriger vers la fosse clitoridienne, et soit y rester coincé (entraînant là aussi des pertes vulvaires), soit traverser la paroi vaginale et partir se promener sous la peau, provoquant un abcès au bas du ventre. Chez le mâle, l'épillet rentre dans le fourreau. Il peut y rester coincé, entraînant un abcès et des pertes purulentes, ou bien transpercer la muqueuse du fourreau avant d'aller, là aussi, se promener sous la peau du ventre et y former des abcès.

     

    6 - Dans les sacs anaux : 

    Les sacs anaux, souvent improprement appelés glandes anales, sont des replis de peau formant, comme leur nom l'indique, une sorte de sac, situé de part et d'autre de l'anus du chien, et s'ouvrant juste au bord de celui-ci par un petit conduit. Les sacs anaux contiennent une substance plus ou moins pâteuse et très nauséabonde… tout au moins pour le nez délicat des humains, les chiens trouvant cela très intéressant : le contenu des sacs anaux renferme en effet des phéromones, qui donneront au chien qui les renifle toutes sortes d'informations passionnantes de la part de celui qui les a déposées. De temps en temps, et surtout chez les chiens de petites races, les sacs anaux peuvent se boucher, s'enflammer, s'abcéder… ce qui se traduira par des démangeaisons (le chien "fait le traineau" ou se lèche sans arrêt cette région), de la douleur, des écoulements purulents. Attention, le petit conduit qui constitue l'entrée du sac (ou la sortie, selon l'endroit où l'on se place), est évidemment bien tentant pour un petit épillet : en été, dans le sud de la France, un abcès de sac anal devra donc toujours conduire à rechercher un épillet, d'abord en aveugle à la pince, puis, en cas de persistance des symptômes, par exploration chirurgicale. Attention, comme nous l'avons déjà vu, un épillet a la désagréable habitude de s'enfoncer droit devant lui, ce qui, dans cette localisation, signifie le long du rectum, vers l'intérieur du bassin. Donc si vous voyez un abcès au bord de l'anus de votre chien pendant les mois où il y a des herbes sèches, ne tardez pas à consulter ! l'épillet sera beaucoup plus facile à retirer s'il est encore dans le sac anal, juste sous la peau.

     

    7 - N'importe où sous la peau :

    Pas de porte d'entrée particulière, l'épillet s'accroche dans les poils, progresse, atteint la peau qu'il transperce, et continue à cheminer dans le tissu sous-cutané en créant des fistules, sortes de galeries qu'il creuse au fur et à mesure de sa progression. Du pus s'écoule jusqu'à l'extérieur, le long de ces fistules. Les épillets pénètrent souvent entre deux doigts, zône à peau fine où il est facile de s'accrocher, et peuvent ensuite remonter assez haut le long de la patte : le chien passe alors des heures à se lécher entre les doigts, et un petit abcès peut être observé à cet endroit. Ils peuvent aussi traverser la peau un peu n'importe où (sous le ventre, le long des flancs…), notamment chez les chiens à sous-poil dense, comme les saint-bernard, bouviers bernois, montagnes des Pyrénées, ou même bergers allemands. Notons qu'un épillet qui chemine sous la peau depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, peut être parti absolument n'importe où, parfois très loin de son point d'entrée !

     

    8 - Dans le poumon :

    Un chien qui vient de passer dix minutes à courir comme un dératé, bouche grande ouverte, au milieu d'un champ de hautes herbes, et qui revient en toussant piteusement… a probablement "avalé" dans sa course un épillet, malencontreusement parti du mauvais côté. Il est alors essentiel de récupérer cet épillet le plus rapidement possible, tant qu'il se trouve encore dans une des premières bronches, en utilisant un endoscope. Faute de quoi l'épillet, fidèle à son habitude, progressera le long de la bronche, s'enfonçant toujours plus profondément dans le poumon, jusqu'à ce qu'il devienne impossible de le récupérer. Les conséquences habituelles en sont une  pneumonie (abcès de tout un lobe pulmonaire autour de l'épillet), un  pneumothorax (lorsque l'épillet sort du poumon en le perforant), ou une pleurésie (il nous est déjà arrivé de trouver un épillet flottant dans le liquide de rinçage, lors de l'exploration chirurgicale d'un pyothorax). Heureusement, il arrive aussi parfois que l'épillet s'enkyste dans un coin du poumon, et que le chien continue à vivre sa vie sans autre dommage.

     

    9 - Dans le ventre :

    On peut toujours s'interroger sur la route qu'emprunte un épillet pour se retrouver dans l'abdomen ! les possibilités sont multiples : entrée par les voies respiratoires, puis traversée du diaphragme, entrée plus "naturelle" par les voies digestives, et traversée de la paroi de l'estomac ou de l'intestin, entrée par les voies génitales ou urinaires... les possibilités ne manquent pas !

     

    (Images d'illustrations tirées de Google)


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